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La révolution / الثورة : penser la révolution syrienne par-delà sa défaite (1)

Cet article est le premier d’une série dédiée au terme thawra (révolution) et à des notions proches et concurrentes. S’appuyant sur une enquête ethnographique conduite auprès de réfugié·es à Gaziantep de 2014 à 2016, il examine l’usage du mot thawra dans ce cadre circonscrit.

Published onJan 23, 2023
La révolution / الثورة : penser la révolution syrienne par-delà sa défaite (1)
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La révolution est une idée et les idées ne meurent pas. Source : https://creativememory.org/fr/archives/210766/les-idees-ne-meurent-pas-2/

Peut-on encore parler de « révolution syrienne » dix ans après les premières manifestations qui ont marqué le pays et alors même que l’expression « conflit syrien » paraît s’imposer pour décrire la réalité du terrain depuis 2015 ?  الثورة (al-thawra, la Révolution avec un R majuscule et l’article défini al-) débute comme un soulèvement pacifique et non violent contre le pouvoir en place. C’est ainsi qu’elle est pensée et défendue par ses principaux protagonistes pendant les premiers mois. La répression féroce qui s’abat sur ces dernièr·es - faisant des centaines de milliers de mort·es et de disparu·es, et pas moins de six millions de réfugié·es syrien·nes - et la multiplication consécutive des groupes armés fait voler en éclat cet idéal. Par ailleurs, au fil des années s’impose un constat: la Révolution n’aura pas abouti à un changement de régime, la dictature de Bachar al-Assad n’est pas tombée. Dans cette situation, continuer d’employer le mot révolution peut sembler utopique.

Dans cet article, je serai attentive à la façon dont des Syrien·nes, parmi lesquel·les j’ai vécu dans leur lieu d’exil à Gaziantep (Turquie) entre 2014 et 2016, m’ont parlé de « la » Révolution et de « leurs » révolutions intimes et familiales. Je m’attacherai à suivre les évolutions du terme « thawra » dans leurs discours : les différentes expériences et pratiques que ce mot recouvre, ses conceptions et reconfigurations ; les transformations que ces expériences ont entraînées dans le lebenswelt1 des Syrien·nes déplacé·es à Gaziantep, ainsi que, et peut-être surtout, ses conséquences inattendues.

Révolution syrienne et syrianisation de la révolution

Le terme « thawra » a une longue histoire locale et régionale. À l’époque contemporaine, il est utilisé pour décrire divers contextes révolutionnaires dans la région et dans le monde. En Syrie, il fait notamment référence à la « Grande Révolte syrienne » (al-thawra al-suriyya al-kubra) conduite par le Sultan Atrash en 1925 contre le Mandat français, événement que les révolutionnaires de 2011 revendiquent comme modèle dans des slogans (Rey et Ruiz de Elvira 2022), ainsi que dans certains pseudonymes qui reprennent les noms des figures historiques de cette révolte. Dans le monde arabe en général, thawra est utilisé à satiété : pour désigner le combat des Palestiniens entre la fin des années 1960 et le début des années 1970 ; pour qualifier la lutte d’indépendance des Algériens connue sous l’expression de « révolution au million de martyrs » ; c’est également par ce mot que sont nommés les putschs des officiers libres en Égypte et en Irak. Ce terme a aussi été employé par des régimes autoritaires comme le régime de Kadhafi en Libye dont l’accession au pouvoir a longtemps été qualifiée de thawra. De même, en Syrie, jusqu’en 2011, le terme est associé à la prise du pouvoir par le Parti Baas en 1963, chaque année célébrée sous le titre de « Révolution du 8 mars », (Al-Kallas et Aubin-Boltanski 2022, 132 ; Munif 2020).

C’est dans une histoire nationale et régionale longue que la plupart de mes interlocutrices et interlocuteurs placent la révolution de 2011. Pour quelques-un·es, elle prend ses racines dans la Nakba (catastrophe) palestinienne2 : « Tout a commencé en 1948 » me dit un jour Yassar, étudiant de l’université de Damas dont la famille paternelle est originaire de Palestine. D’autres font remonter la généalogie de la révolution de 2011 au soulèvement de Hama en 1982, ou aux activités d’opposition politique du début des années 2000, dans le cadre du ‘Printemps de Damas’ ou encore aux campagnes de sensibilisation et de lutte contre la corruption conduites par les chebab de Darraya en 2003 (Hakim 2016). Un ancien détenu de Sednaya se rappelant d’une révolte à l’intérieur de la prison en 2005 me dit: « cela prouvait que tout ce que l’on perçoit comme stable n’est pas stable pour toujours ! Après cet événement, nous avons commencé à sentir que cela pourrait aussi arriver dans le pays ».

Le terme thawra est construit à partir de la racine th-w-r qui signifie se soulever, se rebeller (Achcar 2013, 14 ; Saïd 1997, 343-344). Ce substantif aurait acquis son sens actuel dans la presse des années 1850 (Ayalon 1987). Selon l’historien Ami Ayalon, « dans la langue politique arabe moderne “révolution” - thawra- est un terme “positif ” » : il a progressivement remplacé celui de fitna (dont le sens littéral est dissension et désordre) initialement utilisé par les auteurs de langue arabe évoquant la Révolution française et d’autres révolutions dans le monde et la région (Ibid. 145).

Le concept de thawra a fait l’objet de débats dans les cercles universitaires. L’un d’eux opposa Bernard Lewis et Edward Saïd. Selon l’orientaliste Bernard Lewis l’étymologie du mot ne serait pas politique : « la racine th-w-r en arabe classique signifie se lever (par exemple pour un chameau), être ému ou excité, et ainsi, surtout dans son usage au Maghreb, se rebeller. » (cité par Saïd 1997, 343). Dans son célèbre ouvrage L’orientalisme. L’Orient créé par l’Occident, Edward Saïd dénonce cette étymologie « pleine de mauvaise foi » et « condescendante » en ce qu’elle identifie les révolutions arabes de la période contemporaine à un chameau se redressant (Saïd 1997, 344). En effet, plutôt que de présenter la révolution comme une « lutte pour des valeurs » une telle définition en fait une simple forme de nervosité comparable à celle que ressentirait un animal se mettant sur ses pieds. En outre, selon Saïd, réduire le concept de thawra à un état d’excitation invisibilise la participation populaire à ces mouvements. Il souligne que « cette sorte de description essentialisée » propre aux spécialistes du Moyen-Orient présente les révolutions arabes comme ayant « à peu près autant de conséquence qu’un chameau qui se lève, [et] demand[ant] autant d’attention que des bavardages de rustres » (Ibid). Il conclut que « toute la littérature orientaliste canonique sera incapable d’expliquer le soulèvement révolutionnaire qui s’affirme dans le monde arabe du vingtième siècle, ou de nous y préparer. » (Ibid).

Trois décennies après la publication de L’orientalisme, l'historien Guillaume Mazeau pose un diagnostic similaire à celui de Saïd en revenant sur le fait que les commentateurs et les spécialistes du Moyen-Orient sont mal préparés pour appréhender pleinement les « printemps arabes» en tant que révolutions (Mazeau 2013). La difficulté à comprendre le soulèvement syrien en tant que révolution semble liée à l'incapacité de le penser en dehors d’une définition ethnocentrique de « la révolution », c’est-à-dire en dehors d'un cadre temporel défini comme un temps unique et universel, orienté vers le progrès et la démocratie libérale. Cette conception du temps relève d’une historiographie eurocentriste (Mazeau 2013, 2 ; voir aussi Ghamari-Tabrizi 2016). En effet, les termes utilisés pour décrire les révolutions arabes, le fait même de les nommer « printemps arabes » renvoie à une vision téléologique de ces événements qui réduit ceux-ci à des phénomènes permettant au monde arabe de rattraper « la marche de l'histoire universelle » (Mazeau 2013). Cela n’a rien d’étonnant si l’on considère que le concept de « révolution », fait l’objet d’une définition fortement marquée par la philosophie des Lumières et portant principalement, voire uniquement dans nombres d’analyses et d’historiographies, sur des expériences révolutionnaires occidentales (Buck-Morss 2000 ; Ghamari-Tabrizi 2016 ; Mazeau 2013).

Cet article prend le contre-pied de ces conceptions en proposant une définition et une contextualisation du terme de thawra qui fait place à un devenir syrien ou à une « syrianisation » du concept et de l’événement de révolution3. Il s’agit donc de s’intéresser à la redéfinition de la notion de « révolution » qui se dégage de l’expérience révolutionnaire syrienne. Cette redéfinition permet de sortir d’une vision selon laquelle la révolution est d’abord et avant tout une coupure radicale dans l’Histoire, un événement limité dans le temps et sanctionné par le renversement d’un régime à l’échelle étatique (Arendt 1965 ; Koselleck 1985). Elle nous invite à envisager la révolution comme un processus impliquant la mise en place d’une multiplication de contre-pouvoirs locaux conduisant à des changements sociaux, politiques ; individuels et collectifs sur le long terme.

Lors de mon enquête de terrain à Gaziantep, la révolution était omniprésente et apparaissait souvent en des lieux inattendus. Repenser la révolution syrienne comme une série de transformations à différentes échelles – collective et individuelle, nationale et intime - et dans divers domaines permet, d’une part, de sortir de la dichotomie succès / échec souvent imposée par les définitions classiques de la révolution. Cela met, d’autre part, en lumière une sorte de paradoxe : malgré son apparente défaite dans le champ politique à l’échelle nationale, la révolution syrienne est souvent perçue comme ayant déjà un effet dans le présent. De fait, elle a entraîné de profonds changements, avant tout sociaux. Ces changements, vécus dans le présent, sont en outre pensés comme irréversibles. C’est cette irréversibilité même des transformations sociales qui fait dire à mes interlocutrices et interlocuteurs qu’un second cycle révolutionnaire, un nouveau « cycle de colère », est inévitable. La révolution est donc envisagée comme un processus toujours en cours qui s’inscrit sur la longue durée dans le domaine social et intime, malgré son apparente défaite, dans le champ politique à l’échelle étatique. Il s’agit donc d’un processus qui revêt différentes temporalités et significations en fonction du domaine dans lequel il s’inscrit.

Une définition mouvante

« Je veux que le monde connaisse notre histoire, je veux qu’on sache que la guerre a commencé par une révolution (thawra). Mon mari n’est pas mort dans une guerre civile, ce n’est pas une guerre civile (harb ahliyya)… » me dit Leila, une institutrice dont le mari a été tué lors d’une manifestation pacifique en 2012.

Thawra est l’unique terme utilisé par mes interlocuteurs et interlocutrices pour parler de leur expérience des années 2011-2015. Cela est notamment dû au fait qu’eux-mêmes se considèrent comme des « révolutionnaires » (thuwwâr). Cette notion plurivoque a cependant fini par connaître des inflexions et par être concurrencée par d’autres expressions.

À l’aune de mon travail ethnographique, les thuwwâr apparaissent comme celles et ceux qui ont participé à la révolution et partagé un ensemble spécifique de revendications (liberté, justice et dignité) plutôt que de se référer à une identité circonscrite et à un programme politique délimité. Le collectif qu’ils et elles forment au nom d’une commune position éthico-politique englobe une grande variété d’individus qui ne sont pas traditionnellement considérés comme des révolutionnaires. Il inclut des personnes qui, se limitant à de petits gestes, se situent en marge de ce qui est habituellement défini comme une action révolutionnaire, mais qui jouent néanmoins un rôle essentiel dans les transformations en cours. Ainsi, les personnes désignées comme thuwwâr ont pris part à un large éventail d'activités : cuisiner pour les manifestants et les rebelles, préparer des bannières et des slogans, collecter des vêtements et des médicaments pour les personnes déplacées à l'intérieur du pays et les manifestants blessés, et soutenir matériellement la révolution et la rébellion. D'autres ont participé à des manifestations et/ou ont connu de longues années d’emprisonnement ; beaucoup ont des parents martyrs et incarcérés. Certain·es ont soigné des blessés ou rejoint la rébellion armée. De générations différentes, leurs orientations et leurs projets politiques sont divers, et ils sont issus de milieux sociaux, religieux et ethniques distincts. Précisions néanmoins que l’usage du terme thuwwâr a évolué, car si pendant les premiers temps du soulèvement, il est largement utilisé pour désigner les manifestants pacifistes, avec la militarisation croissante de la révolution, son usage en vient progressivement à désigner les seuls rebelles combattants, alors que les révolutionnaires non violents sont plutôt appelés « nâshitîn » (activistes ou militants).

En exil, certains thuwwâr ont poursuivi leurs activités révolutionnaires en travaillant dans des organisations de la société civile ou dans des structures politiques, en faisant du bénévolat dans des écoles et des orphelinats, en soutenant celles et ceux qui sont restés en Syrie, ou en participant aux manifestations hebdomadaires à Gaziantep. D'autres ont cessé toute activité parce qu'ils ont perdu espoir dans la révolution, estimant que celle-ci avait déjà échoué ou été vaincue, ou parce qu'ils étaient trop occupés à essayer de survivre en exil.

Le but de cet article est de démontrer que la définition de « thawra », qu’il s’agisse du concept ou de l’expérience révolutionnaire à proprement dit, est mouvante – dans le sens d’en mouvement et en évolution. En effet, sa signification a évolué au fil des années avec la présence de plus en plus marquée de termes et de réalités concurrentes au sein même des cercles révolutionnaires. Dans les premières années, la variation des termes pour décrire les événements vient des loyalistes au régime de Bachar al-Assad et de ceux qui souhaitent rester « neutres ». Mais à partir de 2015-2016, période marquée par l’intervention de la Russie, la libération, puis le siège d’Alep qui mène à sa chute, mes interlocutrices et interlocuteurs se questionnent davantage sur le mot le plus approprié pour décrire leur expérience : est-ce toujours une révolution ? Peut-on encore qualifier de « révolutionnaire » la période des premiers mois de manifestation (awwal al-thawra) lorsqu’on connait a posteriori l’évolution des évènements ? N’était-ce pas plutôt un soulèvement (intifada) ? Est-ce désormais un conflit (sirâ’), une guerre (harb), ou même une guerre civile (harb ahliyya) ?

« Intifada », « sirâ’», « harb », « harb ahliyya », ces mots sont inscrits sur un tableau blanc lors d’une discussion dans une petite organisation de la société civile réunissant une demie douzaine de révolutionnaires qui se définissent de plus en plus volontiers comme « nâshitîn ». La scène se passe à Gaziantep en 2015. L’objectif est de trouver le terme qui qualifierait le mieux la situation en Syrie. Tout le monde s’accorde sur le fait que « thawra » reste le meilleur choix. Tout·es rejettent d’emblée « harb ahliyya » considérant qu’il s’agit d’une expression appartenant au répertoire de la propagande du régime utilisée pour discréditer la révolution. Le terme « harb » est ensuite proposé : la plupart des jeunes gens présents montrent quelques réticences à l’utiliser, mais ils sont désormais contraints de reconnaître qu’ils vivent bel et bien une situation de guerre. Ce mot est, en effet, de plus en plus employé, et souvent à contrecœur, par les Syrien·nes de Gaziantep pour parler de la situation à l’intérieur du pays. Ce passage de l’emploi du mot « thawra » à celui de « harb » dans les discours est une façon de signifier que la situation leur échappe désormais et qu’elle ne peut plus être définie uniquement comme révolutionnaire.

La définition de thawra que j’examine dans cet article est mouvante à d’autres égards. Travaillant avec des personnes déplacées et/ou en mouvement entre la Syrie et la Turquie ; la signification de la révolution n’est pas la même en fonction de la position des un·es et des autres et de la temporalité du conflit. De plus, la révolution se transforme aussi au gré des chemins de l’exil et finit par laisser place à la guerre dans les imaginaires de certain·es. Ce caractère mouvant est bien exprimé par Amjad, un lycéen d'Alep qui a refusé de quitter sa ville natale. Lors de l'une de ses visites à Gaziantep il déclare: « La révolution est orpheline… elle avait bien commencé, elle allait dans le bon sens ; mais maintenant la situation est beaucoup plus complexe… Ce n'est pas une guerre civile. C'est une guerre, oui, mais menée par des révolutionnaires, même si les objectifs ne sont pas clairs ». Peu après le début de l’intervention de l’aviation russe en Syrie en 2015, une femme me confie en laissant transparaître son amertume, « c’est la troisième guerre mondiale, mais qui se déroule entièrement dans un seul pays… », faisant référence au nombre de forces étrangères qui combattent dans le pays et au financement des forces armées par des pays étrangers.

Le sens du terme thawra évolue aussi en fonction d’une autre variable : l’apparition d’une nouvelle force contre-révolutionnaire : Daesh. « Il y a deux révolutions maintenant : l’une contre le régime (al-nizâm), l’autre contre Daesh ». Cette affirmation est courante chez mes interlocuteurs et interlocutrices. Cependant, pour tout·es, la révolution ne doit pas perdre de vue son principal objectif : la chute de Bachar al-Assad. En effet, Daesh est considéré comme un avatar du régime dont la fonction est d’oblitérer les crimes de ce dernier en mettant en scène et en filmant les exécutions auxquelles il procède, alors que les crimes des autorités de Damas, bien plus nombreux et atroces, se déroulent en secret dans les souterrains des locaux des forces de sécurité (mukhabarat)4.

Défaite, fin et tragédie : des notions concurrentes

Des intellectuel·les syrien·nes parlent parfois de « défaite de la révolution» utilisant l’expression hazîmat al-thawra. L’usage du mot hazîma couramment associé à la débâcle subie par les armées égyptienne, syrienne et jordanienne lors de la guerre de 1967, est une façon d’établir une équivalence entre le régime assadien et Israël. Il constitue également un fort écho à une réflexion critique conduite dans les années 1970, 1980 et 1990 par des philosophes, cinéastes et dramaturges syriens et égyptiens selon laquelle des raisons « internes » expliquaient la défaite de 19675.

À l’automne 2015, face à l'ampleur des destructions dans leur pays, des révolutionnaires entreprennent une autocritique qui adopte en partie les termes de celles et ceux qui souhaitaient rester neutres ou soutenaient le régime : « Nous (les révolutionnaires) avons détruit le pays » me dit un jour Racha, ancienne étudiante de l’université d’Alep et journaliste de profession, accablée par les pertes et les destructions dans sa ville. Elle conclut d’une façon particulièrement pessimiste qui peut être reliée à la détresse psychologique ressentie lors de la défaite de 1967 : « Dans un sens, mieux vaut être mort, on ne verrait pas notre défaite ! Je te le dis, aujourd'hui nous sommes vaincus ! Nous avons perdu. Je crois que nous avons perdu.»

Cependant, en dehors des milieux intellectuels, la majorité de mes interlocutrices et interlocuteurs emploient rarement ce terme, voire jamais. Les mots « défaite » et « échec » restent en outre tabou pour eux. Évoquer la révolution en ces termes vaut d’être perçu comme un traître ou un oiseau de mauvais augure. Dès lors, c’est souvent à travers des périphrases et des aphorismes que la défaite de la révolution est articulée, comme le montre l’exemple ci-dessous.

Lors de nos premières rencontres début 2015, Oum Yazan - une institutrice d’une cinquantaine d’années qui a perdu nombre de ses proches dans les années 1980, lors du soulèvement des Frères musulmans et de sa répression sanglante à Hama (1982), et a payé cher son engagement dans la révolution de 2011 avec l’emprisonnement de quatre de ses enfants - répète sans cesse vouloir rentrer en Syrie une fois sa ville libérée. Pourtant, un jour de la fin de l’été 2015 elle me lance : « Suriyya khalas » (la Syrie est finie). « La révolution est finie » aurait-elle pu tout aussi bien dire. Elle ajoute ensuite « Je ne peux pas rentrer en Syrie, à moins qu'Assad ne parte. C'est ou lui ou moi ! Nous ne pouvons pas vivre dans le même pays. Plus jamais ! ».

Quel serait le terme analytique le plus adéquat pour rendre compte du vécu de mes interlocutrices et interlocuteurs au tournant de l’année 2015 ? Le mot « défaite » semble plus adapté que celui d’« échec ». La distinction entre defeat et failure6 a été proposée par l’anthropologue Walter Armbrust dans son travail sur la révolution égyptienne (2017 ; voir aussi le débat dans les médias arabophones Amar 2021 ; Al-Aswad 2020 ; Seifan 20207). Elle a l’avantage de souligner le fait que l’échec a une cause interne s’opposant par là au succès ; alors que la défaite est subie de l’extérieur et que la responsabilité principale est externe. C’est pourquoi je préfère ce dernier terme pour traduire les dires de mes interlocuteurs et interlocutrices, car il reste au plus proche de leur vécu, ainsi que de l’inégalité des forces en présence entre, d’un côté, des révolutionnaires pacifistes, puis légèrement armés et de l’autre un régime surarmé appuyé par ses alliés russes et iraniens avec lesquels il mobilise toute une armada militaire y compris des armes chimiques pour exterminer les populations vivant dans les bastions révolutionnaires et les zones libérées.

Le concept de défaite est intéressant car il permet de penser la révolution au-delà de la dichotomie échec/victoire, vaincus/vainqueurs, mais aussi de faire émerger dans son sillage la question de la « fin » de la révolution. Comment une révolution se termine-t-elle ? Une révolution s’achève-t-elle ? Comment cette fin est-elle rendue tangible ? En effet, dans l’historiographie et l’histoire dominantes des révolutions, mais aussi en sciences politiques et en philosophie, les principales disciplines dans lesquelles les révolutions sont classiquement étudiées et conceptualisées, celles-ci sont toujours victorieuses. Parler de « révolution non victorieuse » est pour ainsi dire un oxymore. Les soulèvements déchus finissent dans la « poubelle de l’histoire » pour reprendre l’expression de l’anthropologue et historien caribéen David Scott (2014).

Révolution et changement de régime politique

Si l’on se penche sur les textes classiques portant sur les révolutions et sur les canons de la révolution dans l’imaginaire collectif — les révolutions française, américaine, soviétique — on remarque que toutes ont été victorieuses dans le sens étroit du terme8 puisque tous ces mouvements populaires ont entraîné la chute de l’ancien régime politique et l’avènement d’un nouveau (Arendt 1965 ; Dunn 1982 ; Kosellek 1985 ; Skocpol 1979). Or dans le contexte syrien, il n’y a pas eu de changement de régime. Aucune rupture dans le champ politique à l’échelle de l’État ne s’est produite.

Piégés dans un rapport de force inégalitaire, les révolutionnaires de 2011 ont été vaincus. Mais doit-on en conclure que le mouvement dans lequel ils se sont engagés n’est pas une révolution ? L’absence de rupture dans le champ politique contrevient à la définition « classique » selon laquelle une révolution équivaut à une rupture historique entraînant le commencement d’un nouveau cycle temporel symbolisé par un avant/après marquant l’avènement d’un nouveau régime politique. Un soulèvement qui n’aboutirait pas à un changement à l’échelle de l’État, de la nation ou de l’État-nation ne serait pas une révolution.

En Syrie, la révolution pas abouti à un changement de régime à l’échelle nationale, alors même que dans le sillage des manifestations de 2011, des pans entiers du pays ont rapidement été libérés et administrés, pendant des périodes variables, par des conseils locaux et d’autres instances révolutionnaires de la société civile. En cela, les événements ont été vécus comme un changement radical au niveau local et régional, et comme un renouvellement total de la vie politique avec des expériences d’autogestion et de démocraties locales inédites, notamment dans la ville assiégée de Darayya entre 2012 et 2016 (Al-Khalili 2017 et 2021 ; voir aussi Munif 2020 sur Manbij et Sakhi9 2021 sur le Nord-Est de la Syrie).

La situation est évidemment bien différente depuis l’évacuation forcée des derniers bastions révolutionnaires assiégés à Alep et dans la périphérie de Damas et de Homs. Mais il semble qu’on a tendance à ne considérer que l’aspect tragique et définitif de la rupture qui est lié au fait que les notions mêmes d’échec et de défaite infèrent l’idée d’une fin, d’une clôture de l’événement. Si le soulèvement n’a pas abouti à un changement de régime politique au niveau de l’État, n’a-t-il cependant pas créé d’autres types de transformations qui peuvent être qualifiées de « révolutionnaires » ? Dans ce cas, à quelle échelle et dans quels domaines localiser la révolution ?

Précisons que la temporalité de la thawra et de sa défaite n’est pas la même pour tout·es. Par exemple, contrairement à Oum Yazan (introduite plus haut), Abou Zein, n’a pas encore perdu espoir que la révolution aboutisse. Selon lui, la défaite se situe dans le présent au niveau politique et à l’échelle nationale, mais un succès reste encore possible dans un futur proche : « Ce que j'espère vraiment, c'est que maintenant le cycle de la colère recommence ! » s’exclame-t-il. Il n’est pas le seul à être convaincu qu’il ne faut pas considérer que la révolution est vaincue, mais seulement en repenser la temporalité.

« Combien de temps a-t-il fallu pour que la Révolution française aboutisse ? Une centaine d'années ? » me demandent souvent les Syrien·nes parmi lesquel·les je vis en 2015. La conclusion est toujours la même : « Nous avons encore un long chemin devant nous ! » affirment-ils en faisant référence aux quatre années qui se sont écoulées depuis le début de « leur » révolution (thawratnâ).

Changer d’échelle : qu’est-ce que la révolution fait au lebenswelt des Syrien·nes

Partant de ce constat, il est intéressant de montrer les différentes échelles et profondeurs de ce qui constitue une défaite révolutionnaire et d’interroger, en restant au plus près des discours des acteurs et actrices, la façon dont cette défaite peut être analysée en faisant l’effort de sortir du paradigme échec/victoire et en déplaçant la focale sur les transformations prévues et imprévues, les conséquences imaginées, insoupçonnées et imprévisibles d’un événement révolutionnaire.

Il s’agit de mettre en lumière les effets attendus et imprévisibles d’une révolution dans tous les domaines du lebenswelt des Syrien·nes. Dès lors, la révolution n’apparaît plus nécessairement et seulement comme une rupture politique violente, mais plutôt comme un ensemble de processus de transformations sociales qui reconfigurent le monde des Syrien·nes. Il faut donc quitter le domaine de la politique pour prêter attention aux transformations qui ont marqué le lebenswelt des Syrien·nes à l’échelle intime (au niveau du sujet) et cosmologique (au niveau des coordonnées spatio-temporelles), mais aussi dans la sphère sociale (au niveau des relations, de la vie quotidienne, des normes de genre et des modes d’alliance).

Cela revient à questionner ce que fait la défaite au concept de révolution. Pour reprendre David Scott, quelles sont les conséquences tragiques (c’est-à-dire impensées et imprévisibles) de la défaite d’une révolution ? Scott pose cette question magnifiquement dans son ouvrage consacré à une révolution oubliée, puisque non victorieuse: celle de l’île de Grenade, en 1979. Il s’interroge sur les effets de cette défaite sur les manières de concevoir et d’expérimenter le temps, l’histoire et l’utopie révolutionnaire (2014). Je transpose ici cette question m’interrogeant sur les effets de la défaite de la révolution syrienne sur le lebenswelt des Syrien·nes : comment leurs rapports au temps, à l’espace, au religieux, à l’intime sont-ils reconfigurés ? Il s’agit, en d’autres termes, de se demander quel est le pouvoir transformateur d’une révolution non victorieuse. Où peut-on localiser les ruptures, les disruptions, les changements, les déplacements produits par cet événement ? Comment de nouveaux mondes émergent-ils des conséquences attendues et inattendues d’un projet politique qui n’a pas complètement abouti ou qui n’a pas atteint son objectif principal ? Que se passe-t-il quand les choses ne se déroulent pas comme prévu ?

Révolution : une série de transformations multidimensionnelles et multiscalaires

Lors de ma première visite en Turquie en 2013, la situation syrienne est déjà qualifiée par les médias internationaux de « guerre », de « guerre civile » ou de « conflit ». Cependant, mes interlocuteurs et interlocutrices persistent à parler de « révolution ». La question est de comprendre ce qu’ils entendent par ce terme. Où se trouve cette révolution ? Quelles marques a-t-elle laissés ? Où saisir le legs et l’esprit révolutionnaires ?

À Gaziantep, pendant mon terrain (2014-2016), la révolution est omniprésente dans le paysage visuel et sonore. Les symboles de l’imagerie révolutionnaire sont partout visibles dans l’espace public : des manifestations et sit-in hebdomadaires sont organisés au cours desquels des drapeaux et des photos de martyrs sont brandis, etc. Cette présence est également sonore, aussi bien dans les rassemblements que dans les fêtes de mariage où des dabkés sont dansées au rythme de chansons révolutionnaires reproduisant ainsi l’atmosphère festive des premières manifestations.

Lorsque l’on s’attache à observer les transformations plus ou moins profondes qui touchent différents domaines du monde des Syrien·nes, on s’aperçoit que ces effets ont des temporalités variées et s’inscrivent sur les court, moyen et long termes. La révolution devient dès lors un processus qu’il faut analyser sur la longue durée et dont il faut noter les intensités variables. Certain·es de mes interlocuteurs et interlocutrices parlent de cycle révolutionnaire avec des temps morts et des temps forts.

Sur ce point, la comparaison que les Syrien·nes opèrent avec la temporalité longue de la Révolution française est éclairante. Elle permet de comprendre que pour beaucoup d’entre elles et eux la possibilité d’un succès futur de la révolution demeure. Ce succès est souvent lié à des changements sociaux et personnels jugés irréversibles et perçus comme se déroulant sur le long terme. Alors qu’une rupture au niveau politique devient un horizon de plus en plus lointain, mes interlocutrices et interlocuteurs soutiennent que des transformations sociales sont déjà en cours dans le présent et que ces bouleversements profonds permettraient à terme, une révolution politique totale.

Cet argument est soutenu par l’exemple des zones libérées ayant vécu sous le contrôle de Jaish al fatah (l’Armée de la libération composée du Front al-nosra et de neuf factions issues de l’Armée Syrienne Libre et de groupes islamistes), puis sous celui de Hay’at tahrir al-sham (groupe majoritairement contrôlé par le Front al-nosra fondé en 2012 en tant que branche d’al-Qaeda en Syrie). Hay’at tahrir al-sham a tenté d’imposer de nouvelles normes vestimentaires aux femmes, ainsi que l’interdiction de fumer en public pour les hommes. À Idlib, les femmes ont organisé des manifestations pour protester contre ces nouvelles règles ou les ont ignorées. Selon mes interlocuteurs et interlocutrices, ces actes de résistance contre une nouvelle forme d’oppression imposée par une autorité illégitime sont un gage de l’héritage révolutionnaire et de la permanence de l’esprit de la thawra à l’intérieur de la Syrie (Al-Khalili 2018).

À l’extérieur de la Syrie, cet « esprit de la thawra » paraît surtout être préservé par des femmes et des jeunes dans leur rapport au religieux et aux normes sociales et de genre. L’exemple le plus frappant et le plus répandu réside sans doute dans le passage d’une endogamie sociale et familiale à une endogamie politique. Les alliances matrimoniales qui se nouaient préalablement à l’intérieur d’un cercle de personnes connues par les familles des époux ou selon leur proximité sociale et spatiale se font désormais en fonction de l’appartenance politique10.

Pour mes interlocuteurs et interlocutrices, il existe une continuité entre les luttes politiques et les transformations sociales qu’ils ont menées et vécues. Cette continuité se situe dans l’esprit de défi développé par les Syrien·nes et dans leur refus de se soumettre à toute forme d’autorité illégitime et toute forme d’oppression, qu’elle vienne du régime ou d’ailleurs. Certain·es vont jusqu’à penser que dans les régions reprises par le régime, une révolution plus radicale peut avoir lieu, même si cela doit prendre une génération.

Des femmes établissent ainsi un lien entre leur combat contre la dictature et leur lutte pour obtenir des droits dans une société qui les marginalisent : ainsi des femmes m’ont-elles déclaré : « Si nous nous débarrassons de Bachar, nous devrons encore nous débarrasser de tous les tyrans chez nous » ou « Je veux d'abord me battre pour la liberté dans ma propre maison : [...] J'ai besoin d'être libérée de mon mari avant d'être libérée de Bachar ! ».

L’idée sous-tendant ces affirmations est que la révolution a laissé des marques indélébiles au niveau social. Les transformations sociales sont perçues comme profondes et irréversibles et comme le terreau d’une future révolution qui, cette fois, aboutirait au renversement du régime. L’esprit révolutionnaire apparaît donc comme l’expression d’une contestation de l’ordre établi politique, social ou familial ; comme la manifestation d’une colère profonde et le moteur de transformations du lebenswelt des Syrien·nes.

On observe donc que plutôt que de saisir ces transformations dans la perspective d’un moment contre-révolutionnaire - c’est-à-dire à partir de la défaite et de l’offensive des forces contre-révolutionnaires -, ce qui entraînerait une lecture téléologique de ces événements ; il est plus fructueux de les appréhender dans une perspective de temporalités multiples de l’action, de la mobilisation et de la défaite d’une révolution. Un tel point de vue permet de mettre en lumière les conséquences imprévues d’une révolution et de se concentrer sur les transformations sociales entraînées par sa défaite. Pour reprendre Sune Haugbolle et Andreas Bandak « les révolutions, quel que soit leur résultat immédiat (succès ou défaite), ont des implications beaucoup plus importantes que leurs aspirations initiales… Elles ont le potentiel de survivre à leur horizon d’expectation immédiat et de le contourner » (2017, 194, traduction de l’auteure).

Le choix d’une telle perspective nécessite d’opérer un nouveau réglage de notre focus temporel en explorant les horizons proches et distants et en examinant la longue et la courte durée. Cette perspective est présente dans les discours des acteurs. En effet, les Syrien·nes parmi lesquel·les j’ai vécu distinguent les changements sur les long et court termes, ainsi que les conséquences sociales et politiques de ces temporalités révolutionnaires.

Dans les premières années de la révolution les personnes avec lesquelles j’ai travaillé s’attendaient à des changements politiques d’envergure et pensaient que le régime tomberait, mais ces espoirs ont été mis à mal à partir de 2015. Convaincus qu’ils ne pourront pas faire tomber le régime dans un futur proche, ceux qui se présentent comme des activistes et travaillent dans la société civile et dans des conseils locaux espèrent changer la société en profondeur afin d’impulser des transformations irréversibles sur le long terme — ce qui explique que beaucoup aient concentré leurs efforts sur l’éducation des enfants notamment. D’une ambition portant sur la défaite rapide du régime, ils sont passés à l’espoir de transformations lentes, mais irréversibles de la société. Ces propos d’Abou Zein illustrent ce phénomène : « Tu sais, maintenant nous attendons une seconde révolution ! Nous voulons être prêts cette fois. Mais peut-être que cette seconde révolution n'arrivera jamais. Peut-être que nous ne la verrons pas ; peut-être que seules les générations de nos enfants la verront.» Ces phrases permettent de comprendre comment une révolution qui n’a pas été victorieuse au niveau politique (à l’échelle nationale) a néanmoins produit une série de ruptures profondes dans le champ social, l’imaginaire et les aspirations politiques.

Révolution, Exil et Migration

Qu’est-ce qui, de l’esprit révolutionnaire, demeure en exil, en Turquie et dans les autres pays limitrophes de la Syrie, mais aussi en Europe ? Quels sont les legs de la révolution syrienne ? L’héritage révolutionnaire semble particulièrement visible dans la diaspora syrienne naissante : des savoir-faire et des expériences circulent tout en se redéfinissant ; l’esprit de la première révolution survit, se propage, tout en se réinventant.

Nous avons tenté de repenser la révolution comme une série de transformations à différentes échelles et dans différents domaines : en d’autres termes, comme un événement non seulement aux dimensions ontologiques — c’est-à-dire une redéfinition de ce qui est, de nouvelles façons de dire le monde et d’être au monde —, mais aussi cosmogoniques — c’est-à-dire une nouvelle façon de faire monde, un réagencement du monde des Syrien·nes.

Une telle perspective nécessite de redéfinir l’échelle à laquelle une révolution dite « vaincue » opère. En d’autres termes, il s’agit de repenser la révolution jusqu’alors principalement définie comme un événement transformant radicalement un système politique et une structure sociale en place pour s’intéresser au potentiel transformateur des révolutions apparemment « vaincues ». De même que le collectif des thuwwâr englobent des personnes qui s’illustrent par des « petits gestes » , la révolution syrienne se réalise par une succession de « petites transformations » à l’échelle du local, de la famille, voire de l’intime qu’il est nécessaire de prendre en considération pour pouvoir saisir le potentiel transformateur d’un tel évènement.

Pour conclure, il semble qu’en étudiant la révolution syrienne à travers et surtout au-delà de sa défaite, en opérant un déplacement de regard pour observer ses multiples conséquences et ramifications dans les domaines de l’intime, des relations sociales, de l’expérience du temps et de l’espace, de l’imagination du politique et du religieux, on en arrive à provincialiser une définition classique et européocentrée de la révolution. Ce changement de focal invite à ne pas mesurer tout événement et processus révolutionnaire à l’aune de cette acception et de l’ouvrir à d’autres possibles, à d’autres pratiques et concepts révolutionnaires qui peuvent reprendre cette définition classique, mais aussi s’en départir, la détourner et la transformer. Cela permet finalement d’élargir le concept de révolution à d’autres expériences et modes d’action, à d’autres agencements et temporalités, mais aussi à d’autres imaginaires politiques.

Bibliographie

Cette bibliographie est également disponible dans le groupe Zotero du Lexique (https://www.zotero.org/groups/4550572/syria_lexicon/collections/FZWIZ2NU).

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